« Il était une fois un chevrotin des montagnes qui, hanté par une certaine odeur musquée flattant ses narines courait de jungle en jungle pour découvrir l’origine de ce parfum. Il s’épuisait en vagabondages, refusant la nourriture, la boisson et le sommeil, mais un jour harassé de fatigue, il glisse de quelque roche et tombe mortellement blessé. En un dernier mouvement prémonitoire de la mort, il se pelotonne sur lui-même et se lèche le poitrail. Ce faisant, ses narines frôlent la poche à musc dont il essaie de respirer le parfum. Mais il est trop tard ; il avait couru à la recherche de ce qu’il portait en lui à son insu.
Tout est donc si simple, demandera le lecteur venu dans ces sciences, s’il suffit de faire le vide dans son mental, c’est un jeu d’enfant ! Ce n’est pas possible ! il doit y avoir quelque chose à faire de plus compliqué !
Ne croyons pas que créer le vide mental soit si simple, il faut un travail acharné, long et lassant. Nous avons pris des habitudes dont nous nous débarrasserons difficilement. Des forces intelligentes ont pris demeure en nous, et elles ne se laissent pas expulser facilement, elles se défendent. D’autres forces, d’autres pensées viendront à leur secours. Dès que nous avons pris la résolution de chasser telle ou telle pensée, une foule d’autres accourent pour nous persuader que celle-ci est bien, que celle-là est utile et souvent nous nous rendons à leurs raisons.
La plupart des exercices prescrits par certains maîtres visent à créer l’état de concentration mentale et si nous savons nous concentrer, la maîtrise devient facile. Celui qui n’a pas cette faculté, devrait, pour l’acquérir, tâcher de rester un petit instant sans penser, puis graduellement, faire un effort pour augmenter le temps pendant lequel le cerveau est au repos. D’une seconde passer à une minute et lorsque nous aurons atteint quelques minutes, ce qui sera bien difficile et bien long pour beaucoup, chercher à prolonger de plus en plus cet état de repos mental. Prenons l’habitude de reposer l’esprit comme nous reposons le corps. Laissons-le bien entendu détendu, vide et relâché, tout en veillant à ne pas tomber dans l’engourdissement de l’apathie.
En le maintenant le plus longtemps possible dans cet état, l’intuition va remplacer la pensée, et c’est elle qui nous guidera. Au lieu d’agir après longues réflexions et discussions avec nous-mêmes, c’est elle qui nous fera agir et notre action sera plus juste, plus efficace. Et, chose étonnante, si nous prenons l’habitude, en commençant notre journée, ainsi que le soir lorsqu’elle est terminée, de pratiquer, ne serait-ce que quelques minutes, le repos mental, les pensées parasites s’éloignent peu à peu de nous.
Dans ces moments de détente, l’esprit revient à son état naturel et nous comprenons alors pourquoi, au fronton de certains temples d’Orient se trouve gravé ; « sache écouter le silence en toi ».
Nous comprenons également pourquoi la statut de la grande déesse Isis se présente à nous un doigt sur ses lèvres closes, nous incitant au silence qui appelle les révélations.
Plus nous approfondirons le silence, plus nous ferons de découvertes. Le silence n’est pas le néant, c’est un état de plénitude. Il effraye les personnes qui ne veulent pas abandonner leurs habitudes qui leur sont chères. Ils ont besoin de s’étourdir pour ne pas entrer en eux-mêmes.
Si nous trouvons grandes les difficultés de la maîtrise mentale, rusons avec les pensées, appelons-les par leur nom. Par exemple, dès qu’une pensée nous vient, mettons-lui un nom en nous disant : « Tiens, une pensée d’orgueil » ; attendons la suivante et voyons qui elle est « Tiens, nous dirons-nous, voilà la vanité qui vient me visiter ». après, ce peut être une pensée de colère, d’envie, de critique, etc, etc…en les appelant par leur nom, il se produit une chose curieuse, nous attendons pour baptiser la suivante, mais on dirait que se sentant observée, elle tarde à venir, et par ce truchement qui prend les apparences d’un jeu, nous finissons par avoir, rapidement, une certaine liberté mentale ; petit à petit, les pensée s’éloignent de nous ; nous pouvons alors, en toute indépendance, observer la vie en nous et autour de nous ».
Extrait du livre « la force du silence d’Alexandre Pavot
Si ces phrases vous parlent, vous pourrez expérimenter le silence dans le stage dont le thème est « Parole et Silence » proposé par Aurore le 31 janvier 2015.